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Les violences sexuelles commises par les Casques bleus des Nations unies et surtout l’introduction du choléra par son contingent népalais ont fait émerger un homme qui se bat depuis des années pour obtenir justice pour les plus démunis. Me Mario Joseph, avec plus de 25 ans de carrière comme avocat, militant des droits humains, n’a jamais rechigné à embrasser certaines causes. Surtout quand il s’agit de femmes ou filles violées incapables de payer les frais judiciaires pour obtenir la condamnation de leurs agresseurs.
Publié le 2019-05-29 | Le Nouvelliste | Auteur: Ricardo Lambert
En 2016, l’ONU a reconnu sa responsabilité dans l’introduction du choléra en Haïti. Cette reconnaissance, même si elle n’est pas suivie de l’indemnisation des plaignants, reste une des plus grandes victoires de la longue carrière de Me Mario Joseph. Alors que le pouvoir en place n’a pas voulu indexer les Nations unies pour avoir introduit le choléra en Haïti ayant infecté près de 800 000 personnes et occasionné environ 10 000 morts, l’avocat a porté plainte contre l’ONU au nom de 5 000 victimes.
Cette plainte contre l’ONU, considérée comme mort-née par certains, a eu un succès indiscutable. Mais ce n’est pas le plus long combat de l’avocat. Il s’agit de l’assistance et de l’accompagnement aux victimes de viol un peu partout dans le pays. Même si celui-ci ne lui apporte pas reconnaissance et renommée, son implication et son dévouement ne sont jamais pris en doute. Il a acquis de l’expérience, réviser ses stratégies pour être plus efficaces dans l’accompagnement offert aux victimes de viol tant des Haïtiens que des Casques bleus. Avec un tempérament forgé dès son jeune âge – à Verrettes, sa terre natale, puis à St-Marc où il a démarré sa carrière d’avocat- comme militant des droits humains et membre du CONACOM, il a une sympathie naturelle pour ces victimes qui ont toujours son soutien.
Entre 1996 et 2000 alors que Me Mario Joseph a été choisi par le président René Préval et son ministre de la Justice Max Antoine pour être avocat des victimes du massacre de Jean-Rabel, il a commencé à rencontrer des victimes de viol. « Pendant la période de coup d’État de 1991, le groupe paramilitaire FRAP avait perpétré des cas de viol politique. J’ai essayé de les défendre, malgré les failles du système, parce que c’est inacceptable », a-t-il souligné. À peine embauché par le Bureau des avocats internationaux fondé par le président Aristide dès son retour de l’exil, il n’a pas eu satisfaction de son engagement puisque le procès du massacre de Jean-Rabel n’a pas eu lieu, mais il en est « sorti aguerri ». Il a trouvé sa cause : défendre les plus pauvres pour qu’ils puissent avoir accès à la justice.
La cause des femmes et des filles victimes de violences sexuelles dans les quartiers populaires va avoir toute son attention. Après le séisme de 2010, il y a eu une recrudescence de viols dans des camps de personnes déplacées, le Bureau des avocats internationaux (BAI), avec le support de l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (IJDH), a entrepris pas mal d’initiatives pour leur venir en aide. Me Mario Joseph va leur apprendre à mieux parler, organiser, manifester ou engager le système judiciaire pour défendre leur cause. Une stratégie payante puisqu’à partir de ce deuxième tournant dans la carrière de Me Mario Joseph, il sera de plus en plus sollicité.
« Au moins deux femmes par jour pendant les périodes de fête et pour les autres périodes, environ deux femmes par semaine victimes de viol et exploitation sexuelle » frappent régulièrement aux portes de la BAI. De l’avis de Me Mario Joseph, ces chiffres témoignent de la persistance du phénomène, mais aussi de la garantie qu’ont les victimes qu’au BAI, il y a toujours quelqu’un pour les écouter et les assister. Récemment, a-t-il ajouté, le Bureau des avocats internationaux s’est associé à des partenaires internationaux et des organisations féminines pour lancer le Projet de prévention et de responsabilisation en cas de viol afin de lutter contre les cas de viol commis contre des femmes et des filles pauvres en Haïti.
Pour Me Mario Joseph, les cas de viols sont généralement perpétrés à l’encontre des femmes issues de milieux défavorisés. Ces victimes qui n’ont pas d’argent pour se payer les services d’un avocat n’avaient aucune chance d’obtenir justice pour cet acte dégradant qu’elles ont subis. Il assure que l’accompagnement donné aux femmes victimes est multidimensionnel. Il commence avec la réception de la plainte et se poursuit tout au long du processus judiciaire en les guidant vers les ressources de santé appropriées et le plaidoyer en leur faveur dans les médias particulièrement. « L’IJDH et le BAI ont pour objectif de supprimer la tolérance systémique qui aggrave le viol, de sensibiliser le système judiciaire et la société à l’impact de la violence sexiste », a-t-il indiqué.
Dans ce combat, il n’a pas remporté toutes les batailles. Très peu de résultats probants sont à son actif. Les coupables désignés sont acteurs du système judiciaire qui, selon lui, préfère blâmer les victimes pour les vêtements qu’elles ont portés ou le lieu où elles se trouvaient. « Au parquet de Port-au-Prince, nous avons aussi rencontré des commissaires du gouvernement qui décident de relâcher les présumés violeurs sans même nous laisser le temps d’interjeter appel. Notre système judiciaire n’arrive pas à protéger les femmes et les filles victimes de viol tous les jours. La réponse de la justice n’est pas correcte. La corruption et l’impunité n’ont fait qu’encourager les violeurs », a-t-il tranché, ajoutant au passage que la société doit cesser son hypocrisie et considérer toutes les victimes, surtout celles qui viennent des quartiers populaires, elles ont le même droit comme personnes humaines.